La première enquête d’Alan Banks

Peter Robinson, Le Voyeur du Yorkshire (Gallows View, 1987), trad de l’anglais par Jean Esch pour Le Livre de Poche 2007.

à Claude Mesplède

Le Voyeur du Yorkshire est la première enquête de l’inspecteur chef Alan Banks, personnage que les amateurs de série policière connaissent sous le nom de DCI Banks. Ce premier volume date de 1987 et la série, qui comporte désormais un nombre respectable de volume, s’est vue couronnée de nombreux prix tout au long de son évolution.

Fatigué de la violence londonienne, l’inspecteur chef Alan Banks a fini par demander sa mutation dans un coin plus calme. Le voilà donc en poste à Eastvale, dans le Yorkshire, une petite commune à la campagne, une petite commune qui a connu des jours meilleurs. Depuis quelques temps, des cambrioleurs visitent les logements occupés par des personnes âgées, les laissant dépouillées et surtout très traumatisées. Un voyeur circule également dans les rues d’Eastvale, un homme si rapide à fuir une fois repéré qu’il échappe à toute tentative de description. La police ne sait par où commencer son enquête, ce qui donne du grain à moudre aux harpies locales, promptes à répandre le bruit que si la police ne fait rien, c’est uniquement parce que les victimes sont des femmes. Le superintendant Gristhorpe réagit en faisant appel aux compétences de Jenny Fuller, professeur en psychologie à l’université de York et domiciliée à Eastvale. Jenny n’est pas dupe. D’autres psychologues étaient plus qualifiés qu’elle pour cette histoire de voyeur mais la police a préféré l’engager elle parce qu’elle est une femme, histoire de clouer le bec des mauvaises langues. Habilement, rapidement, Jenny met les choses au point, à la grande joie de Banks. Alors qu’ils sont en pleine discussion, Banks est appelé pour un nouveau cambriolage chez une personne âgée. Et cette fois, la victime est décédée. Les premiers éléments de l’enquête révèlent qu’au moment du meurtre, des voisins ont entendu des pas qui s’enfuyaient en courant. Le cambrioleur ou le voyeur? Et si ces deux là s’étaient croisés? L’enquête de voisinage souligne également la nervosité de Graham Sharp, un commerçant du quartier, face au policier venu les interroger, lui et son fils. L’un et l’autre ont tellement à cacher…

Un roman qui franchit avec succès l’épreuve du temps et réserve bien des surprises. L’Angleterre des années 80, c’est l’Angleterre des années Thatcher. Eastvale n’échappe pas à la crise du moment. Fermetures d’usines, logements sociaux décrépis, éducation et soins de santé en déliquescence, familles qui s’effilochent, mais tout cela appartient au passé bien sûr… Cette histoire de voyeur permet également à l’auteur de développer, avec beaucoup de tact et d’intelligence, le thème des relations hommes/femmes et de confronter les points de vues. Avec une acuité et une lucidité troublante, car le roman a été écrit en 1987, Peter Robinson détaille une prise de conscience qui n’a rien à envier aux paroles libérées par le mouvement #MeToo. Qu’il soit face à la psychologue qui l’aide dans son enquête ou face à son épouse, l’inspecteur Banks mesure, en les écoutant, le fossé qui sépare homme et femme, la très grande liberté des uns contre l’obligation de contrôle et l’absence de marge de tolérance imposée aux autres. Et il se sent bien impuissant à leur construire un monde meilleur…

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